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Yaalzou Hassidim N°56
« Yaakov sortit de Beer-Chéva et se dirigea vers ‘Haran. » (Béréchit 28, 10)
Yaakov servait l’Eternel d’une autre manière qu’Its’hak. Ce dernier le faisait essentiellement de son intériorité, puisque même son corps avait cette dimension. L’épreuve de la akéda lui octroya le statut d’holocauste parfait et, à l’image de ce sacrifice totalement consumé pour l’Eternel, Its’hak se vouait pleinement à Son service. La vaillance caractérisant son essence profonde, il se pliait à la volonté divine en s’appuyant sur cette vertu, niveau ultime dépassant l’entendement humain. Nos Maîtres vont jusqu’à affirmer que son corps devint spirituel, à l’instar des anges qui n’ont aucun lien avec le matériel. Certains ouvrages soulignent que, contrairement aux autres hommes, il n’éprouvait aucun plaisir physique, comme le manger et le boire, tant son corps s’était purifié de tout lien avec la matière. Il était un véritable ange. Par contre, Yaakov servait D.ieu sur deux plans, de manière intérieure et extérieure. Par exemple, avec courage, il lutta contre l’influence impure de Lavan. Il puisa principalement ses forces de la sainte Torah, dans l’étude de laquelle il se plongeait sans interruption. C’est la raison pour laquelle il quitta le foyer parental pour s’exiler dans un lieu de Torah, en rejoignant la Yéchiva de Chem et Ever. Il y étudia quatorze années consécutives avec abnégation, y investissant toutes ses forces et sans s’accorder le moindre sommeil. Bien qu’Its’hak et Yaakov eussent une approche différente dans le service divin, « tout chemin mène à Rome ». En d’autres termes, malgré leur conception distincte, ils avaient le même but, sanctifier le Nom divin dans le monde et satisfaire Sa volonté d’un cœur entier. De même, tous deux puisèrent leur sainteté de leur père et grand-père, Avraham. Quand Yaakov arriva à ‘Haran, le soleil se coucha. Il est écrit : « Il atteignit (vayifga) l’endroit et il y passa la nuit. » (Béréchit 28, 11) Nos Sages expliquent (Brakhot 26b) qu’il institua la prière d’arvit, le terme vayifga se référant toujours à la prière. Je me suis demandé pourquoi ils affirment un peu plus loin (Brakhot 27b) que cette prière est facultative, avis selon lequel la halakha est tranchée (Ora’h ‘Haïm 237). A priori, de même que les prières de cha’harit et de min’ha, respectivement établies par Avraham et Its’hak, sont obligatoires, celle d’arvit devrait également l’être. Pourquoi seule celle-ci at-elle le statut inférieur de facultative ? J’expliquerai que Yaakov est le pilier de la Torah, sur lequel le monde se maintient. Comme l’atteste le texte, il était un « homme intègre (tam) assis sous les tentes » (Béréchit 25, 27), où le mot tam est composé des mêmes lettres que le mot mèt (mort) : il se tuait à la tâche dans la tente de la Torah.
Il se vouait à l’étude de jour comme de nuit, à l’état d’éveil ou en rêve – comme il est dit : « Yaakov se réveilla de son sommeil (michnato) » (Ibid. 28, 16), c’est-à-dire de son étude (mimichnato), commente Rabbi Yo’hanan. Même sur son lit de mort, Yaakov continua à étudier la Torah, sans s’en détourner un instant. A travers le verset « Yaakov demeura » (Ibid. 37, 1), nous pouvons lire en filigrane qu’il demeura à la Yéchiva toute sa vie durant. La Torah était son essence même et représentait son unique aspiration. C’est pourquoi nos Sages interprètent les mots « Yaakov arriva sauf » (ibid. 33, 18) en référence à la Torah. Bien que durant les longues années où il fit paître le bétail de Lavan, il fût confronté à de nombreuses épreuves, il n’oublia pas un point de son étude, à laquelle il avait adhéré du plus profond de son être. Comme nous le savons, quiconque se consacre pleinement à l’étude de la Torah est exempt de la prière. C’est sans doute pourquoi Yaakov n’institua pas la prière du soir tant qu’il se trouvait à la Yéchiva de Chem et Ever. S’adonnant totalement à l’étude, elle était plus importante à ses yeux que toute autre chose, si bien qu’il ne s’interrompit jamais, fût-ce pour prier. Cependant, lorsqu’il quitta la Yéchiva et constata, en route, que le soleil s’était couché, il fut pris d’une grande fatigue et voulut se reposer un peu, après quatorze ans où il n’avait pas réellement dormi. Il se dit alors que, s’il interrompait son étude pour se reposer, il se devait tout d’abord de prier. En outre, du fait qu’il partait à la recherche de son âme sœur sur l’ordre de son père, c’était le moment opportun pour cela. Il profita donc du coucher du soleil pour instaurer la prière d’arvit. Dès lors, nous comprenons pourquoi cette prière est facultative. Car Yaakov, qui en est à l’origine, s’appliquait principalement à l’étude de la Torah, et non à la prière. Or, comme nous l’avons souligné, celui dont l’étude est l’occupation principale est exempt de la prière. Uniquement au moment où il s’accorda une pause dans son étude, il jugea nécessaire de prier le Créateur. Mais, le plus clair de son temps, il était plongé dans la sainte Torah.
Il y a une obligation d’avoir une place fixe à la Synagogue pour la tefila. Même si l’on prie occasionnellement dans un certain Beth Haknesset, il est obligatoire [dans la mesure du possible] d’y avoir une place fixe. Si l’on prie à la maison, il est obligatoire de réserver une place fixe également. L’obligation touche essentiellement la Amida. Si une personne étrangère se trouve à sa place, il ne faut pas lui faire la remarque s’il y a le moindre risque qu’elle soit humiliée ou vexée. Dans un tel cas, il est évident que la prière de celui qui fait honte ne sera pas exaucée.
Yalkout Yossef
On a tendance à penser qu’on peut librement exprimer son appréciation personnelle sur le style de quelqu’un, sans qu’il n’y ait rien de blâmable, de même que, par exemple, le fait d’affirmer ne pas aimer le vin sec ne constitue pas une critique sur ce type de vin. Ainsi, on croit pouvoir dire ne pas aimer le style d’un certain orateur ou conférencier, alors que de tels propos sont généralement interdits, car ils sous-entendent qu’il ne parle pas très bien
Hafetz Haim
Ceux qui ont adopté ces coutumes remarquables sont, comme nous l’avons dit, les grands de la Torah qui sont parvenus à des niveaux très élevés dans l’étude de la Torah. Mais en ce qui concerne les élèves, les jeunes du troupeau, leur attitude est totalement différente. Il faut veiller à la santé du corps et de l’âme, et donner au corps ce dont il a besoin sans le pousser à des excès. Tout doit être dans la juste mesure.
Le livre « Ha’Hafets ‘Haïm OuPoalo » (Le ‘Hafets ‘Haïm et son œuvre) rapporte l’histoire de Rabbi Yitz’hak Méïr ben Mena’hem (Patchiner) זצ »ל, qui a eu la chance d’étudier dans la yéchiva du ‘Hafets ‘Haïm à Radin pendant cinq ans, à partir de 5670. Il raconte : Une nuit, nous étions un groupe d’élèves important dans le hall de la yéchiva, en train d’étudier avec une immense assiduité. Il était déjà minuit passé, mais à cette merveilleuse époque, qui regardait la montre ? Qui écoutait ses sonneries, alors que tout notre intérêt et toute notre attention étaient d’écouter les voix des Tannaïm et des Amoraïm qui montaient des pages de la Guemara !
Tout à coup, la porte du hall s’ouvrit, et notre maître le ‘Hafets ‘Haïm entra avec son gendre le Rav Tsvi.
Ces deux saintes personnalités, ces monuments de Torah et de crainte du Ciel, nous accordaient une visite à minuit, l’heure où les portes de la miséricorde sont largement ouvertes pour accueillir les voix de l’étude de la Torah qui montent vers les cieux.
L’heure où la harpe se met à jouer d’elle-même. Cet événement imprévu provoqua chez nous un enthousiasme supplémentaire dans l’étude, et notre assiduité se renforça d’autant.
Mais voici que le ‘Hafets ‘Haïm fit un signe de la main pour indiquer qu’il désirait nous dire quelque chose. Naturellement, le silence régna immédiatement, et nous tendîmes tous l’oreille pour écouter ce que le gaon d’Israël avait à dire à ses élèves au milieu de la nuit. Et voici que sa voix s’éleva : « Chers enfants ! Allez dormir, il est déjà minuit. Il vous est interdit de trop vous fatiguer et de vous affaiblir, allez dormir, c’est ce que la Torah vous ordonne. Mes chers enfants, allez dormir. » C’était cela le chant de la nuit que nous avons entendu de sa bouche dans le silence de la nuit.
Mais il est étrange que ce que nous avons entendu alors a eu sur nous l’effet exactement inverse. Nous avions l’impression d’avoir entendu des paroles d’éveil pour nous renforcer dans l’étude de la Torah et ajouter encore à notre assiduité.
C’est pourquoi non seulement nous n’avons pas cessé d’étudier, mais nous avons continué avec encore plus d’énergie et d’enthousiasme, bien que toute parole sortie de la bouche du ‘Hafets ‘Haïm ait toujours été sacrée pour nous.
Mais nous étions presque des enfants, ajoute Rabbi Yitz’hak Méïr, des enfants purs et innocents, et notre cœur était rempli de l’enthousiasme de la pureté et de la jeunesse.
Quand le ‘Hafets ‘Haïm vit que non seulement nous n’avions pas arrêté d’étudier mais que nous continuions avec encore plus d’enthousiasme, il grimpa lui-même sur un banc pour réduire la lumière de la lampe (à cette époque, il n’y avait pas encore l’électricité à Radin, et on éclairait la yéchiva avec de grandes lampes à pétrole). Il passa ainsi de lampe en lampe, en montant et en descendant du banc, jusqu’à ce qu’il ait baissé toutes les lumières, puis il répéta sa requête : « Mes chers enfants, allez dormir. »